DIALOGUE CITOYEN
Ancrer sur un territoire une culture de la participation est un processus exigeant. Nous souhaitons contribuer à outiller, former et accompagner celles et ceux qui ont pour ambition de démocratiser les institutions et leurs procédures, des Cévennes au Golfe du Lion, dans l'Hérault, le Gard, l'Aveyron et la Lozère.
Le principe de démo-conditionnalité suppose de s'assurer que les besoins et les usages des habitant-e-s soient bien pris en compte dans les politiques publiques, tout au long des processus décisionnels. Cela revient à impliquer concrètement le citoyen & la citoyenne dans l'évolution des politiques publiques par une ingénierie de la participation, concrétisée en dispositifs de concertation.
Cette intégration citoyenne concerne aussi les établissements de gestion des communs. Étendre aux usagers la cartographie d'acteurs impliqués dans la définition de leur stratégie d'action est un gage d'efficacité réelle et non seulement prescriptive des plans d'action. Une autre voie est de construire aux citoyen-ne-s une place dans la structuration de ces organisations de travail, au sein d'instances intégrées.
Sécuriser la participation
« La coconstruction induit non seulement une politique de la reconnaissance d’acteurs ou de pratiques, mais aussi l’énoncé d’autres visions d’un secteur ou d’un territoire ».
Laurent Fraisse, Coconstruction de l’action publique, 2018[1].
[1] Laurent Fraisse, Coconstruction de l’action publique, Programme Démocratie et économie plurielles, Fondation Maison des sciences de l’Homme, Rapport auprès de l’institut de la Caisse des Dépôts et Consignations pour la recherche, 2018.
La participation est devenue, dans bien des contextes, une obligation législative. C'est le cas des Conseils de développement.
Certains établissements choisissent d'en faire une nécessité contractuelle, en créant des instances où les usagers contribuent à la conception, à la gestion, et selon, à la décision. Nous avons accompagné la création du Conseil économique, social et culturel du Parc national des Cévennes.
Des collectivités engagent des dispositifs transitoires pour influencer leurs politiques publiques. Notre assistance à maitrise d'ouvrage de la convention citoyenne de la Ville de Clermont-Ferrand s'inscrit dans ce cadre.
Selon si l'on se place du point de vue de l'élu-e, de l'agent, du technicien, du scientifique ou citoyen, de l'efficacité programmatique ou de l'impact sur les pratiques... chacun de ces points de vue peuvent identifier des limites. Nous transformons ces limites de la participation en aiguillons pour orienter l'action et coconstruire avec rigueur et adaptation, vigilance et inspiration. Faire de la participation pour elle-même n’est pas durable ; cela se révèle même contre-productif. Diffuser une culture de dialogue sur un territoire nécessite de sécuriser tout dispositif ou instance qu'ils soient investis de sens et générateurs de confiance. Alors le travail citoyen libère une énergie vitale absolument régénérante !
“L’intérêt général est un concept normatif, institutionnel, défini dans notre constitution
et auquel les politiques publiques doivent se référer. L’approche des communs permet
l’émancipation d’acteurs qui ne participent jamais à l’élaboration des règles ni aux décisions qui les concernent, alors que pour agir en commun, il faut décider en commun.”
Martina Antona, 2021, d’après Elinor Ostrom, première femme Prix nobel d’économie.
Concevoir et animer des conventions citoyennes
L'émergence de conventions citoyennes répond au désir de réconcilier le citoyen et l'institution, de réagir à la désaffection que l'électeur aurait pour les urnes et la vie publique, de fabriquer du lien et de la confiance au sein de sociétés locales confrontées à un accroissement des inégalités et de penser les nouveaux enjeux de la vie collective. S'appuyer sur l'expertise des habitants, c'est les reconnaitre comme des interlocuteurs des acteurs politiques et techniques des collectivités. Soutenir ce triptyque élu/agent/citoyen est une vraie innovation démocratique, qui augure des changements de pratiques pour chacune de ces trois parties.
Il ne s'agit plus seulement de consulter les habitants sur des enjeux abstraits ou mineurs : les citoyens, dans leur diversité, ont un rôle à jouer dans la façon dont sont pensés et gérés les communs. Une convention citoyenne, pleinement intégrée à la gouvernance de la collectivité, se fait concertation, dotée d'un mandat officiel. Soigner le recrutement des conventionnés est essentiel ; le tirage au sort à partir d'une pluralité de fichiers-sources est une nécessité.
La convention doit être dotée des moyens opérationnels de déployer l'intelligence collective. Aussi l'animation du processus importe autant que la conception sur mesure du dispositif. Le travail des citoyens doit être soutenu dans ses différentes étapes, à commencer par la formation aux sujets qui va les mobiliser, souvent pendant plusieurs mois. Le plenum des conventionnés gagne à être enchâssé dans différents espaces de dialogue réunissant des pairs qui seront fonction de l'objet de la convention citoyenne : experts scientifiques et d'usage, professionnels de la puissance publique, élus, corps intermédiaires de la société civile et des milieux économique et socioprofessionnel, etc. Instances et règles du dialogue sont déterminées.
Le processus que nous animons passe par ces étapes : à partir des thèmes du mandat, définir le sujet sur lequel va plancher chaque petit collectif ; poser un constat sur ce qui fait problème ; analyser et problématiser l'enjeu ; prendre l'avis de l'instance consultative réunissant la société civile ; déterminer les critères qui permettent de qualifier les actions ; rédiger des fiches-actions ; prendre l'avis de l'instance politique détachée auprès de la convention pour lever d'éventuelles objections à une appropriation par le conseil municipal ou communautaire ; finaliser les propositions.
Il est possible de prévoir des chambres d'échos entre les conventionnés et les citoyens qui ne sont pas mobilisés par la convention. Par exemple à mi-course de la convention, une consultation en ligne appelle les citoyens à partager leur réflexion ou proposer des recommandation sur la base du diagnostic partagé réalisé par la convention. En clôture de convention, une nouvelle consultation en ligne peut inviter les citoyens à se prononcer sur les actions identifiées par la convention, à hiérarchiser la mise en œuvre à privilégier par la collectivité commanditaire. On sera vigilant à doubler la modalité numérique de tables dans l'espace public, les niches associatives et les entreprises pour éviter la discrimination numérique.
Diffuser une culture de dialogue sur les territoires
Elus & citoyens arpentent le territoire pour comprendre des ouvrages dédiées à une meilleure gestion de l'eau
Vous souhaitez mieux associer la population ? Vous réfléchissez à impliquer celles et ceux qui sont concernés par certaines décisions ? Vous désirez sortir des confrontations pénibles où l'habitant accuse, récrimine et se plaint ? Vous vous désespérez du retrait et de la passivité, de l'individualisme qui semble frapper nos concitoyens ? Mieux vivre ensemble est une préoccupation pour vous ?
Vous aspirez à diffuser une culture de dialogue sur votre territoire. Pas à pas, nous sommes là pour vous aider à penser des stratégies et à réaliser des expériences positives. Voici déjà quelques clés :
Une culture de dialogue s'incarne dans les pratiques professionnelles et les structures institutionnelles. La théorie de la symétrie des attentions est éclairante : on est à l'extérieur ce qu'on est à l'intérieur. Autrement dit, le dialogue existera sur le territoire s'il est une réalité en interne des établissements.
On participe à quelque chose quand on y gagne. Autrement dit, si j'apprends de ce qu'il m'est donné de vivre, alors je m'y implique. "Et quand cela n'y est pas, j'y suis plus !" nous écrit Claude Ponti au sujet de son métier d'auteur pour enfants. Faire un voyage apprenant, c'est découvrir son territoire comme on ne l'avait pas encore vu, senti, compris, ressenti.
LE citoyen n'existe pas : il y a seulement des citoyens, qui brûlent bien souvent de se rencontrer et d'échanger. Selon les sujets, certains ont beaucoup à transmettre : des manières de faire d'ici, la façon de nommer le monde... mais aussi une soif inextinguible de questionner, de creuser des sillons, de repenser la façon dont on habite le monde, dont on désigne comme telle une ressource, de prévenir la dégradation du vivant ou d'agir lorsque le pire est advenu. Le lien social est bien souvent en déficit dans notre pays ; mais le désir de faire société est moteur pour peu que soient créées les véritables conditions de la rencontre.
Énormément de savoirs sont abritées sous le toit de nos institutions. Nous avons (encore) des politiques publiques riches et des parcours de formation qui fabriquent des professionnels compétents et engagés dans leur métier. Un voyage apprenant est pour les techniciens l'occasion de : traduire leurs savoirs ; éclairer les citoyens sur la façon dont se comportent les biens qu'ils chérissent ; donner une voix aux non-humains pour équilibrer des rapports de force ; creuser comment chacun peut s'y prendre pour préserver le vivant et revitaliser ce qui a perdu en diversité ; construire des espaces citoyens où construire une demande sociale à l'égard de la façon dont l'Homme et ses institutions soignent le vivant.
Ainsi, un voyage apprenant peut être une première expérience positive pour légitimer l'intérêt citoyen. Il aura pour effet de favoriser la compréhension de sujets complexes par les citoyens. Ensuite ces citoyens qualifiés peuvent être réunis dans une instance interne à l'établissement de gestion. Il seront une voix complémentaire à celle des élus, des professionnels et des experts techniques.
Un exemple de gestion de l'eau
Les techniciennes d'un syndicat de rivière ont pour ambition de démocratiser le Comité de rivière. La rivière a besoin de citoyens engagés pour améliorer le système d'alerte en cas de crues et ainsi permettre aux techniciens de mieux gérer les inondations ; mais aussi d'agir sur la potabilité de l'eau, la réduction des déchets et des polluants, la maitrise de la consommation, etc.
Une première étape vers une implication renforcée des citoyens du territoire en faveur de l'eau a été un voyage apprenant. Il a été réalisé en trois étapes :
- une soirée pour se rencontrer, explorer les désirs des candidats au voyage à domicile, identifier les envies et les questionnements et distribuer des rôles délégués aux voyageurs volontaires (collecteur de matière, vidéaste, photographe, etc.) ;
- une journée de voyage à domicile avec deux petits collectifs de voyageurs et des hôtes (agriculteur, éleveur, technicien de station d'épuration, brasserie, écologue, etc.) ;
- une soirée pour construire et mettre en forme les apprentissages (un MURmur de l'eau a été bâti avec les fiches Enseignements-Action élaborées) et les recommandations adressées aux corps élu (sujets qui piquent).
Après le voyage apprenant, le syndicat de rivière recrute des citoyens sentinelles en fonction de la nature de leurs désirs d'engagement, selon trois gradients relais / aider / s'engager (observer les cours d'eau, aider pour des inventaires des richesses naturelles, agir sur le partage de la ressource, etc.). La gouvernance de la gestion de l'eau est renouvelée au moyen d'une instance réunissant des citoyens parlementaires. Cette démarche participe à la coconstruction du projet de territoire et facilitera sa mise en œuvre.
Pour ne pas bouder le plaisir, un évènement festif, la Guinguette de l'eau, est destiné à valoriser les réalisations du syndicat et le soutien citoyen à la gestion de l'eau ; on y partage les 16 cartes postales créées par les voyageurs et une station d'écoute diffuse les témoignages patrimoniaux récoltés.
Voyage apprenant au centre de l'eau (2022) : un technicien explique aux citoyen-ne-s le fonctionnement d'une tourbière
Animer le débat public
Les collaborateurs directs et indirects de la puissance publique sont de plus en plus souvent amener à rencontrer les citoyens et à animer des espaces de dialogue pluri-acteurs. Cela justifie un changement de posture, des dispositifs spécifiques et de nouvelles pratiques d'animation de ces temps collectifs... et cela soulève de multiples questions ! Comment animer le débat public quand la vocation de l'assemblée est d'être informée, consultée ou concertée ? Comment s'y prendre pour intégrer la diversité des publics réunis avec leurs différents niveaux de connaissance, de langage, etc. ? Comment entretenir sur le temps long l'engagement des publics dans ces processus ?...
Quelques exemples des formations / formations actions / accompagnement que Déjà-là a réalisé :
- Les agents d'une préfecture souhaitent changer leurs façons de s'adresser au grand public, de manière à renouer avec une vocation d'animation territoriale de leur institution ;
- Les techniciens forestiers pris de plus en plus souvent à partie en forêt par des usagers contestataires ou mécontents, cherchent à prévenir des situations de controverse en changeant leurs façons de travailler ;
- Les animateurs d'un Conseil de développement souhaitent développer leur agilité pour travailler avec élus, citoyens et professionnels de leur territoire.